Avec un budget qui couvre environ 12% du budget global des français, l’alimentation est le 3ème budget des français, derrière l’énergie et les transports, et est en croissance de +18% en 2023, lié tout particulièrement à l’inflation (Baromètre Bonial 2023).

Coût majeur pour chacun d’entre nous, l’alimentation a la difficulté majeure de toucher à la fois à notre portefeuille et à notre santé.

Elle soulève des questions essentielles concernant l’accès à une alimentation de qualité, la prévalence des maladies liées à la nutrition et les inégalités de santé.

Notre alimentation joue un rôle central dans notre bien-être, et les choix alimentaires que nous faisons ont un impact direct sur notre santé, sur celle des autres (ex : étude INSERM sur l’exposition domestique aux pesticides et le risque de cancers pédiatriques – communiqué de presse – publication au journal Environmental Health Perspectives) et notre planète.

Pour autant, le coût des aliments peut influencer considérablement nos choix. Les personnes et les familles aux revenus limités sont souvent confrontées à des défis pour se nourrir de manière saine, car les aliments nutritifs peuvent être plus coûteux que les options moins saines et plus caloriques. Cette relation complexe entre le coût de l’alimentation et la santé soulève des questions cruciales sur l’équité en matière de santé, l’accessibilité à une alimentation équilibrée et la nécessité de politiques publiques et stratégies visant à favoriser des choix alimentaires sains pour tous.

Dans le même temps, notre indépendance ou souveraineté alimentaire devient un enjeu politico-stratégique majeur avec le double enjeu du changement climatique et de la sécurité mondiale, pouvant amener à des crises alimentaires, lorsque nous dépendons excessivement d’importations ou d’acteurs extérieurs, dans un paysage complexe et interconnecté.

À titre d’exemple, en faisant un focus sur l’autonomie alimentaire des principales aires urbaines de France :
En moyenne, dans les 100 premières aires urbaines françaises 98% du contenu des aliments consommés localement sont importés, tandis que 97% de l’agriculture locale finit dans des produits alimentaires consommés à l’extérieur de l’aire urbaine,
L’aire urbaine d’Avignon, 1ère du classement, a une autonomie alimentaire de 8,1%. Valence, Nantes, Angers, St-Brieuc et Brest suivent derrière avec un score allant de 6% à 6,5%. Thionville, Compiègne, Creil et Forbach sont à l’inverse en queue de classement avec une auto-suffisance alimentaire à un taux inférieur à 0,2%.

étude 2017 “Autonomie alimentaire des villes”, Cabinet Utopies

Enfin, notre modèle agricole d’aujourd’hui, créé au lendemain de la seconde guerre mondiale, pour nourrir en masse la population, était certes efficace à ce moment là, mais il met aujourd’hui à bout de souffle et à genoux nos sols, la faune et flore de nos campagnes, nos aliments et ceux qui nous nourrissent

Mais une alimentation durable n’a pas non plus pour objectif de nous pousser dans un extrémisme de l’alimentation parfaite où la réponse serait binaire avec une seule voie lumineuse et le reste néfaste.

Pour une efficience globale, il est important de réévaluer ses points de vues, remettre en question ses habitudes, tout en acceptant les différences et en évitant l’analyse dogmatique qui évacue toute autre piste.

Il y a certes un idéal avec un score parfait, mais les pistes sont plurielles, peuvent s’entrecroiser, se côtoyer, êtres complémentaires et se doivent d’êtres diverses pour répondre à une variété de besoins, de rythmes et d’envies à un instant T, dans l’objectif d’être inclusive et empathique envers toutes et tous.

Pour être plus clair faisons un parallèle, en comparant l’alimentation à la mobilité :

Idéalement, pour répondre aux enjeux de réchauffement climatique et de baisse des émissions de CO2, il faudrait éradiquer la voiture thermique individuelle (// la consommation de viande) et que tout le monde marche ou enfourche un vélo (// végan), pour autant, lié au travail, loisirs, vacances et distances nous pouvons accepter d’utiliser le train (// végétarien), pour certaines destinations plus complexes où le train n’est pas l’idéal nous pouvons aussi faire du covoiturage (// flexivore/omnivore). Enfin parce que chaque territoire est différent, que les urbains n’ont pas du tout les mêmes contraintes que les ruraux, que nos contraintes professionnelles et familiales sont toutes différentes, il y a la voiture individuelle (// manger de la viande).

Mais en effet, il faut réussir à changer ses habitudes, potentiellement réorganiser son rythme de vie et débloquer des moyens pour apprivoiser puis apprécier une évolution, en passant à la voiture électrique, à hydrogène, rétrofiter son véhicule, ou encore à une voiture plus adaptée à son besoin primaire (aka “ai-je besoin d’une voiture qui fait 2T avec une autonomie de 800km pour la vie courante ?”) (// manger de la viande, oui, mais de manière raisonnée, réfléchie, responsable, en respectant l’animal et sans gaspillage inutile).

Il est donc impossible que 100% de la population soit à vélo, comme il est impossible que 100% de la population soit végétarienne..

Il faut alors accepter les différences de besoins et d’envies, faire des ponts entre toutes les solutions, donner le potentiel à ce que les différents moyens de mobilité (// les différents régimes alimentaires) se croisent en harmonie, avec respect et empathie, en acceptant le fait que le système ne sera jamais parfait.

Ce n’est pas en poursuivant les moindres individualités que nous avancerons. Il faut se concentrer sur la mise en mouvement de la masse dans sa diversité, pour réussir les plus beaux et longs trajets.

Une alimentation durable c’est donc une alimentation répondant au triple prisme économique, social et environnemental :

  • économiquement viable : favorise des modes de production agricole, de transformation, de distribution et de consommation, assurants un revenu juste,
  • socialement juste : respecte les droits humains, tout en étant accessible à tous et permettant une répartition équitable de la valeur ajouté, tout en assurant une qualité nutritive pour la santé de son consommateur,
  • écologiquement pérenne : protège et régénère la biodiversité et les écosystèmes.

“​​En bref, l’alimentation durable favorise des modes de production agricole, de transformation, de distribution et de consommation, qui protègent la biodiversité et les écosystèmes et respectent les droits humains.”


PISTE DE RÉFLEXION, OUVERTE À DISCUSSION, N°1

Il y a végétarien et végétarien, comme il y a mangeur de viande et mangeur de viande.

Le réflexe classique d’une prise de conscience d’alimentation saine et bonne pour la planète, qui est plus que noble, est d’être végétarien voir même vegan. C’est en effet le régime alimentaire qui a le plus d’effet pour réduire son impact en équivalent CO2.

Pour autant, il y a deux poids deux mesures à prendre en compte dans un régime végétarien comme dans un régime omnivore.

Bien souvent nous faisons le raccourci simpliste et siloté de comparer en impact un plat végétarien maison fait à partir d’aliments bruts (ex : une salade X) à un steak frites 

Mais est-ce qu’un steak végétarien (aliment ultra transformé) reste plus sain et bon pour la planète qu’un morceau de viande de gibier sauvage français comme du daim ?

D’un côté vous avez un plat industriel végétarien, qui n’a pas tué d’animal, dont l’apport en sel, par exemple, équivaut bien souvent à 25% (info) de vos besoins journaliers, avec un emballage primaire en plastique et un emballage secondaire en carton avec toutes les problématiques de fin de vie qui vont avec, et un process industriel et logistique complexe de longue distance.

De l’autre côté, vous avez un animal qui a vécu toute sa vie à l’extérieur, qui a joué un rôle dans son écosystème naturel, qui est en effet tué pour sa viande, qui rentre dans une consommation hyper locale et dont la qualité nutritionnelle est excellente1

Après il est sûr qu’un plat végétarien fait maison, à partir de produits locaux aura toujours plus d’impact CO2 que le meilleur des plats contenant de la viande.

Mais comme aucune société n’est parfaite, tout en consommant moins mais mieux, autant faire en sorte de soutenir les productions / consommations de viande les plus vertueuses, que sont :

  • les élevages extensifs et agro-écologiques (info),
  • le gibier sauvage local.

D’un côté en réintégrant dans une boucle agricole naturelle l’élevage en mode extensif (agriculture régénérative par l’animal), qui se nourrit directement dans les prairies où il se situe, on peut reconstruire, re-stimuler son sol, sa vie souterraine, sa fertilité, sa résilience et réduire l’eutrophisation (étude INRAE ou encore Le Monde de Jamy).

De l’autre vous avez un animal sauvage, qui aura vécu toute sa vie en liberté (on parle bien de gibier sauvage et non pas de gibier d’élevage), qui va être dans une  boucle naturelle du vivant et dont l’impact CO2 est plus que réduit sans l’intervention de l’homme dans son développement. Le tout étant d’arrêter d’importer 70% de la viande de gibier, provenant majoritairement des pays de l’Est et de… Nouvelle-Zélande, commercialisée en France (source : rapport CGAER 2022 – Ministère de l’agriculture). Le comble pour une viande existante en quantité largement suffisante en France, qui se retrouve à faire voyager sur 19.000km son cousin de Nouvelle-Zélande.

Ainsi, des deux cotés, on peut consommer une viande aux émissions eqCO2 bien moins élevées.

Sachant que le gibier sauvage local n’est normalement pas une viande de luxe. D’ailleurs, de belles initiatives solidaires existent pour donner accès à une viande de qualité aux personnes n’en ayant pas les moyens, comme Gibier pour Tous.


PISTE DE RÉFLEXION, OUVERTE À DISCUSSION, N°2

Au-delà de ça, la question majeure à se poser qu’on soit végétarien, flexivore ou qu’on soit fan de viande, c’est la qualité nutritionnelle de ce que nous mangeons, et par rebond la quantité que nous consommons, puis le gaspillage alimentaire qu’on occasionne volontairement ou non.

1kg de tomates cultivées en hors-sol et hors saison (qui peuvent tout à fait avoir l’appellation bio), pleines d’eau, apportent-elles autant de vitamines, minéraux et autres éléments nutritifs que 1kg de tomates de saison cultivées en pleine terre avec le stress hydrique qui va avec ?

Un filet de poulet industriel élevé en batterie, qui a fait une cure de plumping2, qui se réduit fortement à la cuisson et rend de l’eau (et donc perd de son poids) est-il aussi nutritif, nourrissant et apporte le même effet de satiété qu’un filet de poulet élevé en plein air de 150g qui ne se réduit pas à la cuisson ?

Est-ce qu’une “préparation de viande hachée” ou une “préparation à base de viande hachée”3 a les mêmes apports nutritifs qu’un “steak haché” ?

La réponse dans ces 3 exemples est tout simplement, non.

Au poids brut, vous consommez ou achetez bien la même quantité, mais au poids nutritif vous ne consommez pas du tout la même chose.

C’est un peu comme quand vous allez en boite de nuit ou dans un bar et que vous demandez un cocktail ou un verre de soda… Il y en a qui vous servent la vraie recette et d’autres qui vous coupent le cocktail avec plus ou moins d’eau et de glaçons. La quantité est la même, le prix n’est pas obligatoirement différent, le nom est soit identique, soit proche, soit un peu flou dans son sens, mais le goût n’a rien à voir et le plaisir n’est pas le même.

Est-il encore pertinent, pour votre santé alimentaire, votre porte-monnaie et pour la planète, de comparer deux produits avec un simple barème “prix € / kg” ? ⚖️

Est-ce que le différentiel de coût, aujourd’hui au profit du produit industriel, serait le même si nous pouvions avoir un comparatif sur un barème “prix € / kg nutritif” ? 🏋️‍♀️

Car au final, moins votre aliment, qu’il soit végétal ou animal, vous fournit les minéraux, vitamines, protéines et autres nutriments suffisants à votre corps, plus vous devez en manger.

Donc plus les produits alimentaires ont une mauvaise qualité nutritive, plus vous en consommez, plus il faut en produire, plus il faut de surface agricole.


Alors retrouvons notre “bon sens paysan”, pour le plus grand bien de notre porte-monnaie, de notre corps, de nos papilles, du territoire où nous vivons et pour notre planète. 

Mangeons moins, mais mangeons mieux.


  1. la viande de gibier est nettement plus riche en protéines, minéraux et vitamines qu’une viande classique issue d’élevage. Certaines viandes de gibier contiennent même plus de phosphore que le poisson. Et bon nombre d’entre elles sont anti cholestérol. Le chevreuil est la viande anti cholestérol par excellence ↩︎
  2. injection d’eau dans la viande afin d’améliorer l’apparence  et le  poids d’un produit alimentaire de type viande industrielle ↩︎
  3. pour vous aider à décoder ce terme, différent d’un « steak haché » ↩︎