Derrière Eko-Stêr et ses différentes activités, il y a du monde, des personnalités, des savoir-faire variés. Quoi de mieux que donner la parole à chacun de nos partenaires pour qu’ils vous expliquent le pourquoi du comment ils ont rejoint ce projet ?

Tous les 2 mois, vous retrouverez dans notre newsletter une interview à ce sujet.

Aujourd’hui, Eko-Stêr donne la parole à Jean-Michel, notre partenaire pour l’activité microferme 🎙

Peux-tu te présenter et présenter ta structure en quelques mots ? 

Jean-Michel Le Guen, maraîcher en bio-intensif sur très petite surface à Orvault (Microferme des Anges). 🌱🥕Je suis paysagiste de formation 🌷et j’ai été paysagiste à la ville de Vannes pendant 13 ans, puis à mon compte pendant 6 ans dans la région de Vannes. 

Fin 2010, je me suis installé en Gironde en maraîchage bio classique. Mais au bout d’un an,  j’ai pu constater que le métier était très très dur, alors même que je travaillais la terre depuis l’âge de 15 ans. J’ai alors une réflexion en regardant mon tracteur et je décide d’inverser les roues 🚜 pour travailler des planches un peu moins larges. Simultanément, une amie maraîchère m’a parlé de Jean-Martin Fortier et de sa méthode de maraîchage qui m’a interpellé et m’a amené à lire son livre. Ça a été un véritable déclic pour moi.💡Je me retrouvais sur beaucoup de points dans l’organisation de la ferme. J’ai donc décidé de suivre sa méthode de bio-intensif tout en étant ferme pilote en agroforesterie. Au bout d’un an et demi, j’ai diminué ma surface d’exploitation de moitié en produisant beaucoup plus que ce que je faisais avec un tracteur et nous sommes devenus très vite rentables sur cette ferme.

En 2016, j’ai décidé de quitter la Gironde pour des raisons personnelles et de faire une formation de brasseur, afin d’’installer une brasserie sur un terrain de 5000m2 acquis sur Orvault Mais les investissements étant conséquents, j’ai préféré partir sur un autre projet.

J’ai alors lu le rapport d’étude de l’INRAE – AgroParisTech sur la ferme du Bec Hellouin concernant son modèle agricole, plus ou moins critiqué. J’ai comparé ces données avec mes chiffres. Je me suis ainsi rendu compte que je pourrai mieux m’en sortir financièrement sur une petite surface.

Ainsi en 2018, je me suis installé en tant que maraîcher sur très petite surface sur la méthode bio-intensive et en agroforesterie (pour travailler avec la biodiversité environnante).🌱🌳 Aujourd’hui je commercialise ma production à 100% auprès des restaurateurs et chefs. 👩‍🍳  

Quels sont les grands enjeux que tu rencontres en ce moment dans ton activité ? Et comment essayes-tu d’y répondre ? 

Les changements de température 🌡️ depuis 2 ans sont très compliqués à gérer sur l’exploitation. Il y a de plus en plus de tempêtes.💨 Nous pouvons passer en 24 heures de -3°C ❄️ la nuit à +20°C ☀️ dans la journée. Et ça, les légumes n’aiment pas. Ces problèmes climatiques posent question sur comment faire pour sortir des légumes à cette saison. Je suis en train de réfléchir à me réadapter et pourquoi pas changer les variétés. Je fais beaucoup d’essais. 

Il y a un deuxième sujet, c’est l’eau. 💧☀️   

Nous espérons qu’il y aura toujours de l’eau, car même si notre méthode de bio-intensif requiert beaucoup moins d’eau, nous en avons toujours besoin. Nous ne cultivons pas de légumes sans eau. Ce sera une des plus grosses problématiques dans l’avenir.   

Malgré tout le bio-intensif est une solution à la limitation d’arrosage : en serrant beaucoup les légumes, on crée une canopée et il y a moins d’évapotranspiration. Les sols sont toujours couverts que ce soit par des plants, de la paille, ou des bâches pour certains.

As-tu quelques chiffres clés à nous présenter sur la méthode du bio-intensif ?

On peut faire, sur très petite surface en bio-intensif, environ 4 à 5 fois plus de chiffre d’affaires que sur une surface en maraîchage bio classique (à surface équivalente)

Par exemple, Tom Rial d’Une Ferme du Perche, qui travaille sur 1ha, annonce pour sa 3ème année d’exploitation un chiffre d’affaires de 250,000€. Ce modèle de ferme devrait monter à 300,000€, et créer environ 6 à 7 emplois sur la ferme. 

Certains détracteurs disent qu’il y a de moins en moins d’agriculteurs, et qu’il serait impossible de pourvoir aux besoins de ce modèle. Qu’en penses-tu?

Je ne comprends pas ces détracteurs car il y a de plus en plus de demandes, mais pas sur l’ancien métier d’agriculteur.

Les fermes en bio-intensif proposent un modèle socialement durable : en moyenne 35h/semaine, week-end, vacances… 🕠 Elles recrutent plus de salariés à l’hectare que des fermes classiques.

Dans quel contexte as-tu entendu parlé d’Eko-Stêr?

Suite à votre rencontre (Claire et Jonathan Charier), vous êtes venus sur la ferme et très vite ça s’est bien passé, on s’est fait confiance. Vous m’avez proposé ce projet que je trouve pertinent, que j’aime beaucoup et c’est pour ça que je suis toujours là au bout de 2 ans et demi.

Qu’est ce qui t’as attiré dans ce projet et pourquoi as-tu décidé de rejoindre l’aventure ?

Au départ le côté écologique et cette vue globale sur la terre, les bâtiments, le restaurant ; puis la médecine qui ne portera pas que sur la médecine classique ; enfin l’aspect inclusif dans le système ; il y avait un ensemble super intéressant, qui me parle, et qui pour moi n’existe pas vraiment encore. Ce projet montre qu’il y a d’autres ouvertures. 

Ce qui me plaît dans Eko-Stêr, c’est tout cet ensemble ainsi que les personnes qu’il y a autour, vous et tout le groupe que vous avez créé. 🌈

Peux-tu nous décrire le projet de microferme que tu souhaites mettre en place sur Eko-Stêr avec nous ?

L’idée c’est que cette ferme :

  • produise des légumes et fruits pour le restaurant, 🥕🍓🥒🍒
  • soit basée sur un modèle moderne tout en perpétuant la culture maraîchère de nos ancêtres : en encerclant la parcelle avec des murs en paille-terre (microclimat) sur le modèle des fermes du 19ème siècle autour des grandes villes ; en plantant beaucoup d’arbres dans cette enceinte ; en favorisant la biodiversité ; et en ayant quelques animaux, 🌳🐓🌸🐝
  • soit rentable, sans dégrader le paysage et en étant la moins polluante possible, en évitant au maximum le plastique par l’emploi de serres déplaçables, ♻️
  • soit inclusive en permettant de circuler facilement et en proposant des ateliers adaptés, 👨‍🦯👩‍🦽
  • soit visible et accessible en permanence aux usagers d’Eko-Stêr, soit pour faire du sport, soit pour se balader… 🏃‍♀️
Qu’est ce qu’il reste à faire avant l’ouverture de la ferme ? 

La priorité dans le projet Eko-Stêr est de créer la ferme car elle doit être prête à fournir le restaurant lorsqu’il ouvrira.

Il faudra valider le plan d’implantation de la ferme et réaliser les plans du bâtiment agricole pour les autorisations et permis.

Lorsque le bâtiment sera construit, il faudra réaliser le circuit d’irrigation et le terrassement des allées.

Il sera nécessaire de nourrir les sols pendant 1 an, puis les plantations et le maraîchage pourront démarrer. 

A quel type de clients s’adressera la ferme ?

Nous produirons des légumes et fruits au moins pour le restaurant. Si on arrive à être 100% autonome, ce sera bien. Nous pourrons aussi offrir des œufs, des poulets…🐓🥚

Après, nous pourrons éventuellement faire des paniers pour la clientèle locale. Ça dépendra de la production.

Existe-t-il des équivalents à ce projet de ferme en France ou ailleurs ?

Il existe des équivalents en taille de ferme comme Une Ferme du Perche.

Par contre, il n’existe pas d’équivalent dans un système complet comme Eko-Stêr (hôtel, restaurant, médecine et soins holistiques, tiers-lieu) et encore moins pour des fermes en bio-intensif.

Quel est ton “petit +” ? En quoi cette ferme sera différente de ce qui existe déjà ?

La ferme d’Eko-Stêr se différenciera de par sa conception.

L’idée est de créer une ferme moderne qui vient puiser dans des pratiques anciennes : la méthode, les murs d’enceinte en paille-terre, les arbres, les fruitiers, les poules…

En résumé, ce sera une ferme avec une belle résilience.

On pourra aussi mettre en place plus rapidement les choses et elle fonctionnera donc plus vite dans un système agroécologique. D’ailleurs, il n’existe pas beaucoup d’études sur les sols dans ce modèle d’agriculture. Peut être qu’il serait intéressant d’en faire une afin de voir si le système fonctionne bien, qu’on ne pollue pas les sols, et qu’on les nourrit suffisamment même si on produit beaucoup dessus.

>>> Interview réalisée le 14 avril 2023, avec Jean-Michel Le Guen de la Microferme des Anges à Orvault 

Photos par ©Elodie Villalon